Quand j’ai découvert le site La Voyageuse, j’ai tout de suite trouvé cette idée super intéressante et innovante. La Voyageuse s’adresse aux femmes qui voyagent seules ou avec un enfant et cherchent un hébergement chez l’habitant, en toute sécurité. J’ai voulu en savoir plus sur cette entreprise et sa créatrice, Christina, une taïwanaise expatriée à Bordeaux. Christina a immédiatement accepté ma demande et nous nous sommes rencontrées à l’Ecosystème Darwin, lieu dédié à l’entrepreneuriat social à Bordeaux, où sont installés ses bureaux. Souriante et lumineuse, douce et déterminée, Christina a répondu à toutes mes questions avec enthousiasme et optimisme dans un français impeccable. Rencontre.
1. Bonjour, pouvez-vous vous présenter ?
Bonjour, je m’appelle Christina Boixière et j’ai 36 ans. Je suis de Taïwan et cela fait 4 ans que je vis en France. Avant de fonder La Voyageuse, j’ai travaillé pendant 10 ans dans les nouvelles technologies, des multinationales et des start-up.
J’ai aussi fait un MBA à Londres pendant lequel je suis venue en voyage à Marseille. C’est dans cette ville que j’ai rencontré mon mari, Derek. Tous les deux voyageurs en solo, nous nous sommes rapidement entendus et nous sommes tombés amoureux. J’ai quitté Londres pour venir le rejoindre à Marseille mais les choses ne se sont pas bien passées. Un SDF a mis le feu dans l’immeuble où nous vivions et notre appartement a entièrement brulé. Nous avons tout perdu. J’ai vu cela comme un signe et nous avons quitté Marseille. Nous avons vécu un an à Taïwan avant de revenir en France, à Bordeaux cette fois.
Dans la vie, je suis passionnée par les voyages en solitaire. Mais je m’intéresse à beaucoup de choses. J’aime la découverte par dessus tout. Je bouge beaucoup, même si ce n’est pas loin, pour une visite ou un week-end chez des amis. J’aime la culture, les concerts, le théâtre et tester de nouveaux restaurants exotiques.
Je parle cinq langues : chinois, anglais, français, italien et un peu d’allemand.
2. Quand avez-vous voyagé pour la première fois et dans quel contexte ?
Je suis issue d’une grande famille dont les membres vivent dans différents pays (Hong Kong, Chine, Singapour…). C’est à l’âge de 5 ans que je suis partie pour la première fois. C’était avec mes parents pour aller visiter mon oncle et ma tante à Hong Kong. Je me souviens très bien encore de l’excitation au moment de prendre l’avion.
3. Comment avez-vous commencé à voyager seule ?
A 17 ans, encore mineure, j’ai décidé de partir en vacances en Thaïlande avec une copine. Mais elle a annulé au dernier moment. J’avais déjà tout réservé dont mon billet d’avion. Je suis donc quand même partie et j’ai du mentir à mes parents. Bien sûr, je n’étais pas rassurée mais j’ai surmonté ma peur. Et je me suis tout de suite sentie bien à mon arrivée en Thaïlande. Et puis il y a eu cette rencontre qui a tout changé. Au gré de mon voyage j’ai sympathisé avec une famille thaïlandaise qui m’a invitée à rester chez elle. J’ai séjourné chez eux et ils m’ont fait visiter le pays. Bien qu’on ne parle pas la même langue, cela n’a pas été une barrière.
Ce n’est pas courant à Taïwan pour une fille de voyager seule. Mes amis à l’école ont eu très peur pour moi. Et à mon retour, mes parents découvrant la vérité, m’ont interdit de voyager seule pendant 1 an.
Voyager en solo c’est s’émanciper, se retrouver avec soi-même, se sentir libre, loin de son quotidien. C’est une forme de voyage spirituel.
Depuis, j’ai effectué plus de 30 voyages en solitaire, dont principalement aux USA, en Europe et en Asie. Par contre, je ne connais pas encore l’Océanie et l’Afrique.
4. Quels sont les avantages et les inconvénients à voyager en solo ?
Les avantages à voyager en solo c’est qu’on n’est jamais vraiment toute seule ! On fait beaucoup de rencontres, des rencontres authentiques ! Et on se fait de nombreux amis. Et puis on se confronte à ses propres limites et on renforce sa confiance en soi.
Les inconvénients c’est qu’on ne peut compter que sur soi-même. Et que certaines situations sont parfois difficiles comme le vol de ses affaires ou pire, se faire agresser. Cela m’est arrivé quand j’avais 20 ans. J’ai été agressée sexuellement. Cela n’arrive que dans 10% des cas quand on voyage seule mais je n’ai pas eu de chance. Pourtant je suis de nature prudente. C’est à partir de là qu’a commencé à germer un projet dans ma tête : comment aider les femmes qui voyagent en solo à le faire en toute sécurité ?
5. Quelles sont vos destinations préférées ou celles qui vous ont le plus marquée ?
Oh c’est difficile de répondre ! Chaque voyage est très différent. Mais prenons le voyage le plus récent, il y a un an. Même si mon mari est aussi engagé dans l’entreprise et que c’est mon amoureux, je suis partie seule en Norvège une dizaine de jours. J’étais en pleine création d’entreprise et j’avais besoin de prendre du recul, de me retrouver avec moi-même.
J’ai séjourné en partie à Tromsø, au dessus du cercle arctique, d’où j’ai pu observer les aurores boréales, un magnifique spectacle. Et pour le coup je n’étais pas seule ! Plusieurs dizaines de touristes étaient aussi là pour observer ce phénomène. Mais j’étais la seule touriste à voyager seule. J’ai trouvé que l’accueil des Norvégiens était sans pareil.
6. Quel style de voyageuse êtes-vous ? Réservez-vous tout à l’avance ou laissez-vous le hasard vous guider ?
Avant de partir, je demande à mes connaissances et à mon entourage s’ils ne connaissent pas des gens sur place qui pourraient me recevoir. Je regarde aussi les animations à venir comme les fêtes et les carnavals, ce qui m’aide à construire mon voyage. Mais je n’établis pas vraiment d’itinéraire précis. Je suis plus intéressée par les rencontres que je ferai que par la destination finale.
Je réserve toujours un hôtel pour les 3 premières et les 3 dernières nuits de mon voyage. Le reste du temps, je dors chez l’habitant en fonction de là où je me trouve et des rencontres que je fais.
7. Quels sont les indispensables dans votre valise ?
Dans mon sac, j’ai toujours une petite bombe lacrymogène en cas d’agression. J’emmène aussi systématiquement un stylo et un carnet pour écrire les coordonnées de mes hôtes et quelques phrases dans la langue locale.
Pour les vêtements, cela dépend. En Europe je voyage light, sauf en Norvège par exemple où je suis partie avec un équipement pour affronter le froid car je suis partie en hiver.
8. Une anecdote rigolote à nous raconter ?
Oui, c’était au Portugal. J’étais hébergée par une femme de 95 ans qui ne parlait que le portugais, une langue que je ne parle pas. Avec des gestes on essayait de se comprendre et elle m’a demandé ce que je voulais manger. Comme le Portugal est réputé pour ses poissons, j’en ai dessiné un sur une feuille pour lui montrer. Elle est donc allée en acheter et m’a cuisiné… 40 poissons !!! Impossible pour moi de tout manger, même si j’ai essayé par politesse. C’était délicieux mais je ne suis pas arrivée au bout.
9. Quelle a été votre plus belle frayeur en voyage ?
C’est évidemment mon agression quand j’avais 20 ans. C’était en Europe. Depuis, j’ai vécu d’autres tentatives d’agressions mais cela ne m’a jamais découragé de voyager seule.
10. Comment en êtes-vous arrivé à créer La Voyageuse ?
L’idée a germé il y a plus de 15 ans après mon agression mais le projet a réellement débuté il y a 6 ans. Ce n’est pas un projet féministe comme certains le disent. Je veux juste qu’hommes et femmes soient sur le même pied d’égalité lorsqu’ils voyagent seuls, que les femmes (ainsi que leurs proches) se sentent rassurées quand elles voyagent seules.
11. Quelles ont été les étapes de la création de La Voyageuse ?
J’ai quitté mon CDI de directrice commerciale et j’ai commencé a réaliser des études de marché pendant 4 mois pour comprendre la mentalité des femmes qui voyagent en solitaire. Au niveau mondial, il y avait 138 millions de voyageuses en solo en 2017. Ce chiffre est passé à 150 millions aujourd’hui. La première préoccupation de 81% des voyageuses que nous avons interrogées est la sécurité (étude réalisée sur un panel de 600 femmes) et la réservation d’un hébergement fait partie de leur préoccupation principale.
Les plus grosses difficultés pour créer La Voyageuses ont été d’ordre administratif car en France c’est assez compliqué. C’est à partir de ce moment que j’ai davantage impliqué mon mari pour m’aider sur cet aspect.
Nous avons réalisé notre premier pitch il y a un an et demi. Nous avons mené une campagne de crowdfunding qui nous a permis de lever des fonds. Ça a été un peu les montagnes russes mais la start-up a vu le jour en 2018 et notre plateforme a été ouverte sur le web en avril 2019.
Aujourd’hui, nous sommes 5 et travaillons dans l’espace de coworking de Darwin. Mais nous faisons partie des 3 entreprises qui ont été sélectionnées et acceptées cette année pour intégrer la pépinière éco-créative des Chartrons. L’entreprise va donc prochainement déménager de l’autre côté de la Garonne.
Nous nous sommes implantés à Bordeaux car j’aime la qualité de vie de cette ville, à la fois proche de l’océan et de la montagne. De plus, Bordeaux est tournée vers l’international ce qui est un atout pour ma start-up. Et puis, je souhaite fonder une famille et Bordeaux me semble être la ville idéale.
12. Pouvez-vous nous présenter La Voyageuse ?
La Voyageuse est une plateforme d’hébergement qui s’adresse aux femmes voyageant seules ou avec un enfant de moins de 12 ans. Le but est de les mettre en relation avec des hébergeuses de confiance, qui les accueillent gratuitement chez elles. Girls, the world is yours* est notre slogan (*les filles, le monde est à vous).
Ces hébergeuses peuvent avoir tout type de profil : étudiante, femme active, mère au foyer, retraitée, qu’elles vivent seule ou en famille. Elles proposent simplement un toit aux voyageuses, et ce, en toute sécurité (il n’est pas nécessaire de confectionner les repas ni même d’avoir une chambre d’amis, les voyageuses peuvent dormir sur le canapé ou à même le sol comme cela m’est déjà arrivé en voyageant).
L’objectif principal reste quand même l’échange, le partage et la découverte de l’autre. D’ailleurs les hébergeuses inscrites sur le site sont souvent des femmes qui ont voyagé en solitaire par le passé, dont des jeunes mamans qui ne peuvent plus partir pour l’instant et voyagent « par procuration », à travers les femmes qu’elles reçoivent chez elles.
13. Concrètement, comment cela fonctionne ?
Le profil des hébergeuses est vérifié avec la plus grande attention (contrôle de l’identité, entretien téléphonique pour connaitre la situation personnelle et les motivations…). La vérification se prolonge après le séjour. La voyageuse et l’hébergeuse reçoivent un questionnaire par mail pour s’évaluer l’une et l’autre et commenter leurs expériences réciproques.
De leur côté, les voyageuses payent un abonnement forfaitaire de 119 euros/an et peuvent réserver autant d’hébergements qu’elles le souhaitent.
Nous avons sélectionné 600 hébergeuses en un mois et avons aujourd’hui 9 000 membres inscrites sur la plateforme. Les membres peuvent être utilisatrices de notre plateforme sans avoir encore voyagé. Elles sont souvent en cours de préparation de voyages.
Aujourd’hui notre principal concurrent est Couchsurfing.com mais ce site s’adresse aussi bien aux femmes qu’aux hommes. Notre concept dédié exclusivement aux femmes est lui, unique au monde.
14. Quels sont les objectifs à court et moyen termes de La Voyageuse ?
Cet été, ce sont 200 voyageuses venues d’Asie et 200 voyageuses françaises qui se lancent dans l’aventure via notre plateforme. Nous espérons passer à 1 000 voyageuses en un an et offrir d’ici 3 ans 15 000 hébergements chez l’habitant à travers le monde.
15. Quels conseils donneriez-vous à une femme qui veut se lancer dans un voyage solo ?
Mes conseils sont d’être toujours vigilante tout en gardant une grande ouverture d’esprit.
Il faut aussi être curieuse tout en étant observatrice et respectueuse. Il est en effet important de s’adapter à la culture locale et d’apprendre quelques phrases dans la langue du pays d’accueil.
16. Quels conseils donneriez-vous à une femme qui veut créer sa start-up ?
Avant toute chose, il faut que votre projet soit la concrétisation de votre rêve. Si vous ne croyez pas assez en votre projet et qu’il ne représente pas un rêve, ça sera compliqué de le réaliser.
Il faut être persévérant et faire preuve de ténacité car le chemin est long et difficile. Il faut s’accrocher et être bien accompagné. Par exemple, le réseau national Les Premières m’a bien aidée pour créer mon entreprise.
Il faut aussi être prêt à abandonner beaucoup de choses : votre salaire les premiers mois, voire les premières années, votre temps libre…
Et enfin, il faut être très très bien entouré par votre famille, vos amis et des personnes qui croient en vous.
17. Quelque chose à ajouter ?
Oui, je cherche à accroître notre communauté d’hébergeuses, principalement dans les villes de Paris et Bordeaux. Pour proposer vos services d’hébergement, inscrivez-vous sur le site de La Voyageuse.
Je suis également en phase de recrutement avec la recherche d’un(e) business developper et d’un(e) stagiaire en charge de la relation clients, pour vérifier le profil des hébergeuses. Donc n’hésitez pas à postuler !
Fais de ta vie un rêve, et d’un rêve, une réalité. – Antoine de Saint-Exupéry
Cette citation correspond parfaitement à Christina que je suis ravie d’avoir rencontrée. Je lui souhaite plein succès avec La Voyageuse. Et pourquoi pas devenir moi-même utilisatrice de sa plateforme ?
En savoir plus sur La Voyageuse :
Découvrez nos autres interviews et belles rencontres dans notre rubrique Lounge Bar.
Crédit photo image à la une : ©TelensFix/Pexels
Cook says:
Je suis tentée mais également un peu gênée par le fait de n avoir aucun moyen d etre défrayee !!
Un minimum serait possible ….je pense ……quand je voyage je paie l hotel et tout le reste .!aussi serait il bien venu de toucher une rétribution minimum pour ce qui est gestion de l hebergement.et comme Sophia,je crois que vous aurez du mal a recruter dans ces conditions .
Bar à Voyages says:
Bonjour, Nous ne représentons pas La Voyageuse. Nous sommes un blog indépendant et avons rédigé un article sur cette start-up il y a deux ans. Pour toute demande d’informations concernant les modalités, le fonctionnement, les tarifs, nous vous invitons à contacter directement l’entreprise La Voyageuse.
Sophie Cantenot says:
Je trouve curieux que vous demandiez à chaque voyageuse quelle qu’ elle soit environ 10 euros par mois pour leur proposer un logement gratuit chez de bonnes âmes, qualifiées cependant de généreuses, qui n ont même pas l opportunité d être défrayées – une tirelire pour couvrir les frais à défaut du temps passé par ex- mais le conseil et le droit d’être vos ambassadeurs. Esclavagisme façon net ? Je comprends que vous ayez du mal à trouver des hébergeurs.
Liliane Hadjian says:
Qui accepte de travailler sans rémunération, de plus plusieurs personnes apparemment travaillent sur ce site.
J’espère toutefois que les contrôles permettant aux voyageuses/herbergeuses de se retrouver en toute sécurité soient plus efficaces que les réponses ou contacts désirés car j’ai demandé à plusieurs reprises d’être contactée mais toujours sans réponse.
Bar à Voyages says:
Bonjour Liliane, Nous ne représentons pas La Voyageuse et ne travaillons pas pour cette entreprise. Nous sommes un blog indépendant et avons rédigé un article sur cette start-up il y a deux ans. Pour toute demande d’informations concernant les modalités, le fonctionnement, les tarifs, nous vous invitons à contacter directement l’entreprise La Voyageuse.
Bar à Voyages says:
Bonjour Sophie, Nous ne représentons pas La Voyageuse. Nous sommes un blog indépendant et avons rédigé un article sur cette start-up il y a deux ans. Pour toute demande d’informations concernant les modalités, le fonctionnement, les tarifs, nous vous invitons à contacter directement l’entreprise La Voyageuse.